Néphrologie et anthropologie
Je n’ai pas besoin de définir la néphrologie, mais je vais par contre vous donner la définition de l’anthropologie (Wikipédia):
L’anthropologie étudie l’être humain sous tous ces aspects, à la fois physiques (anatomiques, morphologiques, physiologiques, évolutifs, etc.) et culturels (socio-religieux, psychologiques, géographiques, etc.). Elle tend à définir l’humanité en faisant une synthèse des différentes sciences humaines et naturelles. Le terme anthropologie vient de deux mots grecs, anthrôpos qui signifie homme (au sens générique) et logos qui signifie “parole“, “discours” (et par extension “science”).
Je ne sais pas si Aurélie Desseix serait d’accord avec cette définition (je ne suis pas aller chercher bien loin…), mais j’ai lu avec intérêt son article intitulé: “L’hémodialyse, cette maladie”. Approche anthropologique d’un amalgame.[1]
L’article en question part de la constatation que certains patients insuffisants rénaux chroniques (IRC), traités par hémodialyse (HD), développent une représentation particulière de ce traitement en l’amalgamant à une maladie. A travers une série d’entretiens réalisés auprès de patients IRC traités par HD et/ou greffe rénale, elle montre comment peut se mettre en place cet amalgame entre hémodialyse et maladie. Elle note également que, chez un nombre non négligeable de patients, s’installe une véritable confusion entre le traitement et la maladie.
L’hémodialyse n’est plus un traitement mais une maladie qui vient renforcer, périodiquement, leur sentiment qu’ils sont pris dans un processus inéluctable de dégradation physique et morale.
Il est intéressant aussi d’essayer de comprendre pourquoi un tel amalgame est possible.
Il apparaît que le caractère asymptomatique de l’insuffisance rénale chronique et le manque de représentation liée à son diagnostic ne permettent pas la prise de conscience de la gravité de la maladie. A contrario, le traitement, par ses effets secondaires et par les représentations liées au corps qu’il suscite, expose le patient à sa vulnérabilité et à sa mortalité.
L’auteur constate qu’en dépit du nombre croissant de patients IRC, la néphrologie demeure une discipline méconnue et l’insuffisance rénale une maladie dont on parle peu.
De plus, le médecin participe probablement à cet amalgame en parlant de patients “dialysés” pour désigner des patients IRC bénéficiant d’un traitement de dialyse. Ce raccourci commun n’a pas lieu – par exemple – pour un patient diabétique, qui reste un patient diabétique et ne devient pas un patient “insuliné” lorsqu’il bénéficie d’un traitement d’insuline (!)
Vincent Bourquin
1. Desseix A: «L“hémodialyse, cette maladie». Approche anthropologique d”un amalgame. Sciences sociales et santé 2011.
Pour aller plus loin
Desseix A, Merville P, Couzi L: [Analysis of hemodialysis and graft representations in patients with chronic renal failure: an anthropological approach]. Nephrol Ther 2010, 6:111–120.
Desseix A, Couzi L: Apport de l’anthropologie dans l’éducation thérapeutique du patient transplanté. Reins-Echos n°9
Desseix A: Approche anthropologique des représentations de l’insuffisance rénale chronique et de ses traitements. 1er Symposium Néphro Agora – Paris 2012
Desseix A: Attendre, puis vivre une transplantation rénale: approche anthropologique de l’événement. 13e Réunion Commune SN/SFD – Bordeaux 2011