Transplantation rénale et groupes sanguins différents entre donneur et receveur.

Bernadette Gombert le 11 novembre 2015

Aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), le service de transplantation rénale effectue avec un grand succès des transplantations que l’on appelle ABO incompatibles (ABOi). A ce jour et depuis 2008, la Dr Karine Hadaya, responsable de ce programme a coordonné 22 greffes rénales ABOi. 100% de réussite, aucun de ces 22 patients ne sont retournés en dialyse.

Pourquoi développer ce genre de transplantation ?

Le manque d’organes est cruel et beaucoup de patients attendent, certains depuis longtemps, sur une liste, qu’un patient décédé, donneur d’organes et compatible se présente. De plus, les années passées en dialyse peuvent peu à peu dégrader l’organisme des patients. Beaucoup d’études montrent toutes qu’il vaut mieux greffer une personne en insuffisance rénale terminale plutôt que de la laisser en dialyse. L’attente sur la liste est tellement longue, que tous les centres de transplantations promeuvent la greffe rénale avec un don d’organe d’une personne vivante, proche du patient. Il s’avère que les greffes faites grâce à un donneur vivant fonctionnent très bien et l’espérance de vie du greffon est plus longue que lors des greffes avec un donneur décédé. La transplantation ABOi  augmente donc les chances des patients d’être greffés.

A ce jour, la transplantation ABOi n’est pas plus à risque que les transplantations entre deux personnes du même groupe sanguin.

Historique

La méthode de la transplantation ABO incompatible est pratiquée depuis 1981. C’est en Belgique qu’a eu lieu la première transplantation ABOi réussie: la survie du greffon a été de 22 ans.  Après cela, rapidement, le Japon a développé la technique. Une raison culturelle a poussé les néphrologues et chercheurs dans cette aventure. En effet, au Japon, on ne touche pas au corps d’un défunt, donc pas de transplantation avec un organe d’un donneur décédé. Cette tradition a valu pendant longtemps aux hémodialysés Japonais, de rester toute leur vie en dialyse.

Au Japon, entre 1989 et 2006, plus de 1000 greffes rénales ABOi ont été effectuées dans 82 centres. La survie des greffons rénaux ABO identique et ABOi à dix ans était la même (Source 1). Face à ces très bons résultats, les Etats-Unis, le Canada et plusieurs pays européens (24 centres en Suède, Allemagne, Suisse, Royaume-Uni, Espagne…) ont débuté des programmes de transplantation rénale ABOi, la condition sine qua non étant d’avoir un donneur vivant afin de pouvoir préparer le receveur.

La préparation du receveur

Le futur receveur d’une transplantation rénale ABOi nécessite une préparation préopératoire. Le protocole visera à diminuer le taux des anticorps anti-ABO et à empêcher leur réapparition. Diminuer les globules blancs (lymphocytes B), producteurs d’anticorps dont les anti-ABO, s’est fait initialement par splénectomie. (ablation de la rate). L’utilisation du Rituximab, par l’équipe suédoise du Karolinska Institute, Stockholm, en 2002, a permis de ne plus recourir à la splénectomie. Administré en dose unique 30 jours avant la date présumée de la transplantation, le Rituximab, est associé à une meilleure survie du greffon à trois ans (95,8% vs 93,5%) et à une incidence moindre de rejet humoral à six mois (16,7% vs 26%), comparé à la splénectomie.

Selon les centres, l’immunosuppression per os (médicaments oraux) débute entre quinze et sept jours avant la date présumée de la transplantation, à base de Tacrolimus ou de cyclosporine, Mycophénolate Mofétil et de Prednisone. Tous ces immunosuppresseurs sont les mêmes que ceux prescrits lors d’une greffe rénale ABO identique.

Pour décider de l’intervention, l’élément-clé est la diminution dans le sang du receveur des IgG et IgM anti-ABO à moins de 1/8, sans risque de rejet humoral aigu immédiat. Ces anticorps peuvent être éliminés par des échanges plasmatiques ou une immunoadsorption. Dans le premier cas, tout le plasma est remplacé par un liquide de substitution, mettant le patient à risque d’hémorragies et d’infections. Dans l’immuno-adsorption, aucun liquide de substitution n’est nécessaire. Cette technique a été mise au point en Suède.

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La société Glycorex Transplantation a produit en 2001 un filtre, le Glycosorb : Le sang du patient passe par un premier filtre, puis le plasma passe à travers le Glycosorb disposé en série : les anticorps anti-A et/ou anti-B qui s’y trouvent sont éliminés. L’ensemble du plasma est rendu au patient. A chaque séance, une diminution du taux des IgG et des IgM est constatée.

 

 

Glycosorb-ABODès que le taux des IgG et des IgM anti-ABO a atteint moins de 1/8, la greffe rénale doit se faire dans les douze heures. Cela nécessite une grande disponibilité des chirurgiens, des anesthésistes, des biologistes et des immunologues.

Docteur Karine Hadaya. Médecin Adjoint responsable du secteur de la transplantation rénale aux HUG

 

Merci au Dr K. Hadaya médecin adjoint agrégé aux services de néphrologie et de transplantation rénale des Hôpitaux Universitaires de Genève d’avoir relu, corrigé et complété cet article.

 

 

 Sources : mon article est inspiré largement de l’article suivant du Dr K.Hadaya :

http://www.revmed.ch/rms/2012/RMS-346/Transplantation-renale-ABO-incompatible

  1. Takahashi K, Saito K, Takahara S, et al. ; Japanese ABO-Incompatible Kidney Transplantation Committee. Excellent long-term outcome of ABO-incompatible living donor kidney transplantation in Japan. Am J Transplant 2004;4:1089-96. [Medline]

https://fr.wikipedia.org/wiki/Spl%C3%A9nectomie

http://www.glycorex.se/

https://www.youtube.com/watch?v=iMqkI0iWQNY

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rituximab

www.bequoted.com (Image glycosorb)

Publié par Bernadette Gombert

Un commentaire

  1. […] est très développée en Suisse, avec notamment le recours à la transplantation croisée et la transplantation ABO incompatible, de manière à récuser le moins possible de donneurs vivants sains et ayant la volonté […]

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