La xénotransplantation rénale : un espoir pour combler le déficit d’organes

Pascale Lefuel le 17 juin 2024

La xénotransplantation rénale : un espoir pour combler le déficit d’organes 

Dr. Grégoire Masson, HUG, Genève, Suisse

La pénurie d’organes pour les transplantations est un problème mondial, et la Suisse n’est pas en reste. Avec 2225 patients en attente d’une greffe tout organe confondu et seulement 675 transplantations (dont 400 reins) réalisées en 2023 selon les données de Swisstransplant, la nécessité de trouver des alternatives innovantes devient de plus en plus pressante. Un peu plus de nonante personnes sur liste d’attente sont malheureusement décédées en 2023. La xénotransplantation, qui consiste à utiliser des organes d’animaux pour les transplanter chez l’homme, pourrait offrir une solution prometteuse pour le monde et la Suisse.  

Figure 1 Statistiques Swisstransplant 2023

Qu’est-ce que la Xénotransplantation ?

La xénotransplantation est la transplantation d’organes, de tissus ou de cellules provenant d’une espèce animale à une autre, dans ce cas précis, de l’animal à l’homme. Les porcs sont les donneurs les plus couramment envisagés pour la xénotransplantation rénale en raison de la similarité de la taille et de la fonction de leurs organes avec ceux des humains. De plus, les porcs ont des cycles de reproduction rapides et peuvent être génétiquement modifiés pour réduire le risque de rejet d’organe par le receveur humain. Historiquement, la xénotransplantation a été confrontée à des barrières immunologiques majeures. Les anticorps humains attaquent les antigènes présents sur les cellules porcines, provoquant un rejet hyperaigu qui détruit le greffon en quelques minutes. Cependant, les nouvelles biotechnologies permettent maintenant de modifier le génome porcin pour supprimer ces antigènes spécifiques, réduisant considérablement le risque de rejet immédiat et améliorant la viabilité des greffons​.

Avancées Récentes

Expériences Récentes

Les premiers essais de xénotransplantation rénale avec des porcs génétiquement modifiés ont été réalisés aux États-Unis en 2021, avec succès sur des patients en état de mort encéphalique. Cette avancée a permis de mieux comprendre les réponses immunitaires humaines face aux greffons porcins. L’équipe de Paris a utilisé des technologies de pointe pour analyser en détail ces réponses, identifiant des formes spécifiques de rejet médié par des anticorps et des cellules inflammatoires. En janvier 2024, une avancée significative en matière de xénotransplantation a eu lieu à Paris. Une équipe de chercheurs dirigée par le Pr Alexandre Loupy a réalisé une xénotransplantation rénale utilisant des reins de porc génétiquement modifiés. À Paris, l’équipe de recherche a mené une étude multimodale combinant des analyses histologiques, immunologiques et transcriptomiques pour caractériser la réponse immunitaire des patients recevant des greffons porcins. Cette approche innovante a révélé des signes précoces de rejet médié par les anticorps, un type de rejet qui, s’il n’est pas traité, conduit à la perte du greffon à moyen ou long terme. Cette découverte est cruciale pour améliorer les chances de succès des futures xénotransplantations.

Figure 2 https://www.fda.gov/vaccines-blood-biologics/xenotransplantation

Génétique

Les modifications génétiques apportées aux reins de porc utilisés pour la xénotransplantation à Paris en 2024 visent principalement à réduire les risques de rejet immunitaire et à améliorer la compatibilité des organes porcins avec le système immunitaire humain.

  • Suppression des xénoantigènes
  • Ajout de gènes humains
  • Résistance à l’inflammation

Défis et Obstacles

Rejet Immunitaire

Le rejet immunitaire est l’un des plus grands défis de la xénotransplantation. Le système immunitaire humain est conçu pour attaquer les cellules étrangères, y compris les organes d’autres espèces. Bien que les modifications génétiques puissent réduire ce risque, il reste un obstacle majeur. Les chercheurs travaillent sur des stratégies d’immunosuppression spécifiques et des modifications génétiques supplémentaires pour atténuer ce problème.

Risque de Zoonoses

La transmission de maladies zoonotiques, c’est-à-dire des maladies pouvant être transmises des animaux aux humains, est une autre préoccupation importante. Les porcs peuvent héberger des virus endogènes qui pourraient potentiellement infecter les receveurs humains.
Les programmes de xénotransplantation incluent donc des protocoles rigoureux de dépistage et de quarantaine pour minimiser ce risque.

Questions Éthiques et Réglementaires

La xénotransplantation soulève également des questions éthiques complexes, notamment en ce qui concerne le bien-être des animaux utilisés pour la transplantation. En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et les comités d’éthique jouent un rôle crucial dans la régulation et l’évaluation des pratiques de xénotransplantation. Les autorités exigent des justifications rigoureuses pour l’utilisation d’animaux et assurent que toutes les procédures respectent les normes éthiques les plus élevées. De plus, les trois principales religions monothéistes ont déjà réfléchi au problème de la xénotransplantation. Toutes trois sont globalement d’accord de dire que celle-ci pourrait devenir une possibilité de traitement en cas d’absence d’alternative. Les leaders religieux devront donc faire partie des futures discussions une fois le programme de transplantation de l’animal à l’homme mis sur pied.

Perspectives Futures

Si la xénotransplantation rénale devient une pratique courante, elle pourrait transformer le système de santé en Suisse. Elle offrirait une solution à long terme pour la pénurie d’organes, réduirait les listes d’attente et sauverait de nombreuses vies. De plus, elle pourrait réduire les coûts associés aux traitements prolongés de dialyse pour les patients en attente de greffe.

Conclusion

La xénotransplantation rénale représente une avancée scientifique prometteuse qui pourrait révolutionner le domaine des transplantations d’organes dans le monde et en Suisse. Bien que des défis immunologiques et éthiques subsistent, les avancées en biotechnologie et les résultats prometteurs des études récentes laissent entrevoir un futur où la pénurie d’organes pourrait être considérablement atténuée grâce à l’utilisation de greffons animaux génétiquement modifiés. La xénotransplantation pourrait offrir une nouvelle chance de vie à des milliers de patients en attente de greffe.

 

 

Publié par Pascale Lefuel

Infirmière spécialiste clinique de néphrologie.

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