Une grossesse est-elle possible après une transplantation rénale ?

Pascale Lefuel le 26 mars 2018

Une grossesse est-elle possible après une transplantation rénale ? Est-elle associée à plus de risque pour la femme, le fœtus et le greffon rénal ?

 

Rappelons-nous tout d’abord que la première grossesse chez une femme transplantée rénale a eu lieu en 1956, à l’âge de 23 ans, avec un bébé de 3 kg 300 né à terme, et que la donneuse de rein était la sœur jumelle de la patiente, cette dernière a par la suite mené à terme 4 grossesses. Depuis 1967, plus de 15’000 grossesses ont été rapportées de par le monde chez les patientes transplantées rénales et en 1995, la 1ère fécondation in vitro réussie a eu lieu chez l’une d’entre elles.

85% des femmes retrouvent une fertilité, et ce dès les premiers mois après la transplantation.

Il est donc recommandé à toutes les femmes en âge de procréer d’avoir été vaccinées avant la transplantation (contre la rubéole et la varicelle) et d’avoir recours en post opératoire immédiat, à une contraception (les premiers choix étant les dispositifs intra utérins, stérilet au cuivre ou à la progestérone), afin d’éviter la survenue de grossesses non planifiées. En effet, il existe pour chaque femme transplantée rénale, un moment idéal pour initier une grossesse, en tenant compte de l’évolution de la fonction de son greffon rénal. Il existe différentes raisons pour cela.

Tout d’abord, la fonction du greffon rénal doit être stable avec : une créatinine inférieure à 130umol/l et une protéinurie faible, une tension artérielle bien contrôlée et également qu’il n’y ait pas eu de rejet au cours de la dernière année. Par ailleurs, la dose des immunosuppresseurs doit être faible ce qui permettra de diminuer le risque infectieux. En général, toutes ces conditions sont remplies entre 1 et 3 ans après la transplantation rénale. C’est donc à ce moment-là, qu’une discussion entre le néphrologue et la patiente peut avoir lieu pour aborder des modalités plus pratiques.

Photo d'un embryon avec un cordon en forme d'ADNEn effet, le néphrologue doit arrêter certains traitements immunosuppresseurs et anti hypertenseurs qui sont tératogènes pour le fœtus, et les remplacer par d’autres, 6 semaines avant l’arrêt de la contraception. Tous les immunosuppresseurs passent le placenta mais en raison du métabolisme important dans le foie fœtal, les concentrations sont faibles chez le fœtus. Malgré cela, certains immunosuppresseurs qui sont prescrits en cours de grossesse sont associés à plus de risque maternel et fœtal. C’est le cas du Néoral (ciclosporine A) et du Prograf (tacrolimus) qui toutefois ne peuvent être stoppés en raison d’un risque majeur de rejet du greffon rénal : il faut donc bien peser les risques-bénéfices.

L’hypertension artérielle qui peut apparaitre ou s’aggraver lors de la grossesse et les infections urinaires qui touchent 40% des femmes enceintes et transplantées rénales, doivent être traitées dès leur mise en évidence.

La pré éclampsie (chez environ 30% des femmes) et l’accouchement pré terme (dans environ 40% des cas) sont les 2 risques les plus graves et ils nécessitent un suivi conjoint et rapproché de la femme enceinte, entre le néphrologue et l’obstétricien afin de déterminer ensemble la prise en charge thérapeutique.

La femme enceinte sera suivie tous les 15 jours soit par l’un soit par l’autre médecin jusqu’à la 28ème semaine puis toutes semaines jusqu’à l’accouchement. Avec ce type de suivi, 80% des grossesses sont menées avec succès chez la femme transplantée rénale, sans risque augmenté de rejet aigu pour le greffon rénal. L’accouchement par voie basse est la règle et l’indication à une césarienne est posée par les obstétriciens lors de souffrance fœtale, comme dans la population générale.

En conclusion, la grossesse chez la femme transplantée rénale est possible et mène au même taux de naissance que dans la population générale, malgré plus de risques chez la femme et le fœtus. Afin de diminuer au maximum ces risques, le moment optimal de la grossesse doit être discuté avec le néphrologue, et un suivi combiné néphrologique et obstétrical instauré.

Dre Karine HADAYA, médecin adjoint, services de Néphrologie et de Transplantation des HUG.

Publié par Pascale Lefuel

Infirmière spécialiste clinique de néphrologie.

23 commentaires

  1. Bonjour moi j ai eu un enfant après ma première greffe de rein sa a tenue 14 ans et maintenant retour en dialyse je suis a nouveau sur liste d’attente mais on ma dit que sa serait long car j ai des anticorps c est pas facile

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    1. Effectivement, la grossesse + la transplantation précédente font que vous avez développé des anticorps, et cela diminue les possibilités de compatibilité. Cependant, si vous avez un donneur vivant, cela peut accélérer l’accès à une nouvelle greffe ou don croisé si il y a incompatibilité entre vous et votre donneur. Ceci réduira le temps d’attente.
      Cordialement

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  2. Bonjour, j’aurais une question voilà greffe depuis décembre 2018 rein pancréas j’ai appris que j’étais enceinte récemment cependant la grossesse c’est arrêté à 9sa. Est ce que tune personne greffé à le droit de prendre de la progestérone ? Aucune complication apres ma greffe

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    1. Salut est vous tomber enceinte avec vos deux organe car moi sa fait deux ans je suis greffé rein pancréas et j’ai un peu peur du risque de rejet pancréas

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      1. Bonsoir,
        Je vous suggère de parler de vos craintes de rejet lors de la grossesse avec votre médecin qui vous suit dans le cadre de la transplantation.

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  3. Bonjour,

    Étant greffée rénale depuis plus de 20 ans et enceinte je ne trouve pas de maternité qui accepte de me suivre, pouvez vous l’orienter s’il vous plaît ?

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    1. Bonjour, Je vous remercie pour votre message.
      La maternité des Hug à une Unité d’obstétrique à haut risque : +41(0)22 372 44 00 –
      Une consultation de médecine interne, néphrologie et hypertension a également lieu à la maternité.
      Vous pouvez nous contacter pour plus d’informations en message privé.
      Avez-vous déjà adapté les traitements immunosuppresseurs avec votre néphrologue ? Dr Anne Dufey

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  4. Lauture Jenny Maykie 1 septembre 2021 à 7 h 23 min

    Bonjour j’ai du enlevé un rein parce qu’il ne fonctionnait pas. Donc l’autre fonctionne depuis la naissance tout seul.est ce que je pourrais enfanter ??

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    1. Bonjour, un certain nombre de personnes vivent avec 1 seul rein, ces personnes vivent tout à fait normalement. Donc vous pouvez avoir le projet d’une grossesse, cependant il est important que vous le signaliez à l’obstétricien ou gynécologue qui va faire le suivi de votre grossesse, ainsi il surveillera votre fonction rénale de plus près.

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  5. Florence Havard 4 avril 2022 à 22 h 05 min

    Bonjour,
    Avec mon mari nous avons pris la décision de me faire ligaturer les trompes. Car 4 ans de dialyse et une greffe rénale depuis aout 2019. Je m’étais dit que je pouvais pas avoir d’enfant. Mes le jours de mon rdv il y a une semaine avec mon néphrologue j’ai appris que même greffée on peut avoir une grossesse. Mais j’ai tellement peur de retour en dialyse après l’accouchement.
    Cordialement,

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    1. Bonjour, vos craintes sont légitimes, cependant votre néphrologue peut vous rassurer en fonction de votre santé actuelle avec la greffe. Si votre fonction rénale est stable, une grossesse est tout à fait possible avec un rein greffé. Cela demande une surveillance accrue par les obstétriciens et les néphrologues.

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  6. Bonjour je suis en Dyalise , j’ai 25 ans et je voudrais avoir un enfant . Je me pose la question est-ce que le mieux c’est de tomber enceinte pendant la Dyalise ou attendre d’être greffer ? Et combien de temps après être greffer ? Merci

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    1. Bonjour, je comprends votre désir de grossesse, il serait vraiment souhaitable d’attendre la greffe pour le projet de grossesse. La grossesse durant la dialyse est très risquée, et demande des “doses” de dialyse quotidienne.
      Pour le temps après la greffe, comme il est écrit dans l’article :”pour chaque femme transplantée rénale, il y a un moment idéal pour initier une grossesse, en tenant compte de l’évolution de la fonction de son greffon rénal. Il faut que la situation soit stable au niveau de la fonction rénale, de la tension artérielle. Il faut en général compter après la 1ère année, ceci se décide avec votre médecin néphrologue qui vous suit en post-greffe.
      Bon courage !

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  7. Bonjour, je été gréffée en janvier 2022 avec des complications suite à une biopsie ratée. 1/5 du greffon est nécrosé.
    Est-ce que dans cette situation une grossesse est possible, la crétinine tourne autour de 190-200 depuis l’incident.
    Merci de votre retour.

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    1. Chère Madame, je comprends fort bien votre désir de grossesse, qui vient s’inscrire dans une situation par ailleurs compliquée par l’insuffisance rénale. Il est cependant difficile de répondre par écran interposé, car il y a plusieurs autres choses à considérer : avez-vous de l’hypertension ? êtes-vous diabétique ? êtes-vous en surpoids ? tous ces facteurs de risque associés qui viennent s’ajouter. Le risque de mener une grossesse avec une insuffisance rénale est vraiment à étudier de près par les néphrologues spécialisés dans la grossesse et la néphrologie (aux HUG nous avons plusieurs spécialistes qui pourraient vous voir en consultation), pour le bébé et pour vous.
      Je vous encourage à consulter un spécialiste.

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  8. Bonjour

    Je suis un homme j’ai déjà était greffer du rein mais j’ai eu un rejet au bout de 19ans de greffe, es ce que une autre greffe pourrai avoir des complications pour avoir des enfants plus tard ? Merci

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    1. La greffe ne sera pas un obstacle pour avoir des enfants, bien au contraire, avec la transplantation l’activité sexuelle se normalise.

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  9. Bonjour,mon mari etant greffé d un rein,nous avons passez des examens qui ont confirmé l altération de la qualité de ses spermatozoides.Un parcours fiv es en place .Je voulais savoir si les anti rejets (cellcept)peuvent être dangereux (malformation, toxicité)pour le fœtus? Merci de votre réponse

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    1. Je vous remercie de porter attention à notre blog, pour ce qui est de votre demande, j’ai sollcité le Dr Haidar qui s’occupe du programme des greffes rénales aux HUG et voici sa réponse : “Le caractère tératogène (qui est susceptible de provoquer des malformations congénitales) du Cellcept et Myfortic est bien prouvé chez la femme ; c’est moins évident chez l’homme. Ce qui est assez rassurant, cependant il parait vraiment nécessaire de vous entourer des conseils du néphrologue qui suit votre mari pour la transplantation.”

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  10. Bonjour je suis greffée depuis novembre 2019 et je souhaiterais avoir un enfant ma clairance est stable, ma tension artériel aussi. Mon seul problème est que depuis la greffe j’ai un virus bk qui persiste. J’aimerais donc savoir si une grossesse pourrait être envisageable.

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    1. Pascale Lefuel 2 mai 2023 à 16 h 30 min

      Bonjour, La réactivation du BK virus dépend de l’intégrité de votre système immunitaire ; 10 à 40 % des patients lors d’une greffe rénale réactiveront le virus BK…. La grossesse peut augmenter ce risque de réactivation, il est important d’en discuter avec votre néphrologue traitant.
      Bonne suite.

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  11. Kadidjatou SALEY SIDO HAMANI 30 août 2023 à 12 h 34 min

    Bonjour,

    j’ai 30ans jamais mariée, j’ai décidé de donner un rein à ma petite soeur de 22 ans atteinte d’insuffisance rénale chronique. depuis peu, j’ai intensifié mes recherches, et les Dr me parlent des risques alors que notre dossier est assez avancé. je voudrai savoir si le risque de mener à bien ma première grossesse après l’intervention est assez élevé. et si c’est vrai que après deux grossesses je risque de tomber en insuffisance rénale aussi.

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    1. Chère Madame,
      Je vous remercie pour cette question très pertinente et importante.
      Une récente revue de la littérature s’est intéressée au devenir des femmes en âge de procréer qui faisaient don de leur rein, concernant une future grossesse.
      Selon cette étude un risque de complications pendant une future grossesse, comme le risque de pré-éclampsie, augmenterait après le don de rein et passerait de ~1%-3% à ~4%-10% après le don (comparable à la population générale).
      En effet la population éligible à un don d’organe est en excellente santé avec un risque très faible.
      Les risques d’issues fœtales et néonatales défavorables n’étaient pas différents entre les grossesses post-don et les grossesses pré-don.
      Bien que le risque absolu de complications de la grossesse reste faible après le don, un effort concerté est nécessaire pour mieux identifier et individualiser le risque chez la potentielle donneuse. C’est à dire s’assurer de l’absence d’hypertension, de diabète, de surpoids ou obésité, ou autres facteurs de risque cardiovasculaire, de la poursuite d’une bonne hygiène de vie avant et après la transplantation (éviction du tabac et toxiques, alimentation équilibrée et activité physique régulière).
      En espérant avoir pu répondre à vos questions, Dre Anne Dufey Teso

      Article: Pregnancy after living kidney donation, a systematic review of the available evidence, and a review of the current guidance, Pippias et al. American Journal of transplantation

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